Médaillée d’argent au concours Tchaïkovski 2011, la coréenne cultive la discrétion. Elle évoque pour nous son rapport à l’instrument.
Mon piano d’enfance…
…était celui de ma mère, une musicienne amateur passionnée de chant et de piano. Elle possédait un piano droit de la marque coréenne Samick sur lequel j’ai fait mes débuts à l’âge de 3 ans et demi. La musique occupait une place très importante dans ma famille et le piano est devenu d’emblée une évidence pour moi. Petite, je me sentais déjà très à l’aise sur scène, une des raisons pour lesquelles le choix du métier m’est venu tout naturellement. À l’âge de 8 ans, quand je commençais à me produire en public, mes parents m’ont procuré un piano à queue Young Chang, qui a donc été mon premier piano rien que pour moi !
Mon piano de travail…

Crédit photo : Woongchul An
Un Steinway A datant des années 20 et restauré il y a cinq ou six ans par Gerd Finkenstein, grand technicien de piano avec qui j’ai collaboré à plusieurs reprises en studio, y compris pour mon dernier album sur Schumann. Je suis très attachée à cet instrument, à son caractère et à sa palette de couleurs entièrement propres à lui. Il s’exprime tout seul, sans le moindre effort ; c’est l’instrument qui m’emporte et non pas l’inverse ! Pourtant, je n’avais jamais ressenti une complicité aussi forte avec un piano quand j’étais plus jeune. Lors de mes années d’apprentissage, la capacité de s’adapter à toutes sortes d’instruments était considérée comme le signe d’un bon pianiste ! Mais ce n’est pas facile face à la réalité d’une vie de concertiste. Nous avons si peu de temps pour connaître les instruments et les techniciens, avec lesquels la compatibilité est tout aussi importante.
Mon piano idéal…
Jouer sur scène et jouer à la maison sont pour moi deux choses très distinctes. J’irais jusqu’à dire que je n’incarne pas la même personnalité selon l’environnement ! À la maison, j’adore me baigner dans les sonorités des vieux pianos, les Steinway ou les Baldwin, chacun ayant une voix si singulière, si envoûtante. Or, pour les concerts tout comme pour les enregistrements, je cherche un profil sonore transparent et vierge à travers lequel mon jeu et ma personnalité peuvent se manifester. Les Steinway neufs sont dans ce sens-là idéaux, car ils s’avèrent plus malléables et neutres, portant une immense sensibilité aux couleurs et au toucher. J’en avais choisi un pour enregistrer mon album Schumann qui a su transmettre la spontanéité de ces œuvres incroyables. Après tout, un piano mûrit comme un être humain, s’imprégnant des idées de son entourage afin de façonner une personnalité unique, à part entière.
Propos recueillis par Melissa Khong