Venu à la musique par l’écoute de Tchaïkovski, le pianiste russe lui rend hommage dans son dernier disque, où il partage l’affiche avec sa fille.

Mon piano d’enfance

À Saint-Pétersbourg, nous avions un piano droit de la marque Red October, comme le sous-marin. Je me souviens de sa teinte s’approchant du bordeaux et de son mécanisme résistant. Mes horaires de travail étaient limités car nous vivions dans une résidence partagée entre plusieurs foyers. Heureusement, le piano était suffisamment feutré pour pouvoir jouer la plupart du temps ! Mais l’amour pour la musique est venu grâce à Tchaïkovski. Petit, j’étais bouleversé par des enregistrements de ses symphonies et notamment celui du Premier concerto par Gilels. À mes yeux, c’est la musique idéale pour initier les enfants au répertoire classique, tellement ses œuvres sont accessibles et éloquentes.

Mon piano de travail

Étant cinq pianistes dans la famille – en comptant ma femme et nos trois enfants — et avec deux pianos et demi à la maison, j’ai de moins en moins de temps pour répéter ! J’aime travailler sur mon Steinway B de Hambourg que j’ai depuis plus de dix ans, plus stable qu’un modèle D tout en possédant les mêmes qualités de couleur et de toucher. Nous avons aussi un Yamaha quart de queue datant de mon arrivée à Londres, révisé afin de correspondre à ma préférence pour un toucher plus lourd. Notre demi-piano est un clavier électrique destiné aux déplacements, un peu à l’image du clavier silencieux que Rachmaninov utilisait en voyage.

Crédit photo : Peter Rigaud

Mon piano idéal

Il existe, mais comme un bon vin, un piano atteint son sommet pendant une période limitée, souvent entre ses quatre et huit ans. Je suis friand des Steinway, les seuls qui parviennent à mettre en valeur tout le répertoire pianistique, même les sonorités plus âpres de Chostakovitch ou de Prokofiev. Tout sauf Chopin, pour lequel il faut un univers intime, si difficile à rendre sur un Steinway. Avoir un instrument idéal n’est pas ce qui compte le plus pour un concert. J’aime la spontanéité et l’inspiration que la scène peut apporter, ce qui est très agréable lorsque le répertoire est déjà bien maîtrisé. Sans oublier que pour tout piano « idéal », il faut aussi un excellent technicien qui saura « dompter la bête » !

Le piano pour jouer Tchaïkovski

J’ai toujours aimé réconcilier les défis du répertoire et les qualités du piano moderne. Pour les transcriptions de Tchaïkovski et de Glinka, je voulais créer des œuvres à part entière, compatibles avec le piano tout en restant fidèles à la partition. Il fallait expérimenter avec des textures, des voix et des registres afin de restituer la richesse du timbre et de couleur de cet univers, tout en restant fidèle à l’originale. Le piano est un instrument d’orchestre, un instrument orchestral, mais aussi un instrument indépendant, portant une identité propre à lui. Il est plus grand que la somme de ses parties.