Barbara nous a quittés il y a vingt-cinq ans. Accordéoniste, pianiste, compositeur, arrangeur, Roland Romanelli a collaboré pendant vingt ans avec la chanteuse. Il nous raconte.
COMMENT ÊTES-VOUS DEVENU ACCORDÉONISTE ET PIANISTE ?
Au départ, je suis accordéoniste. J’ai commencé à l’âge de 10 ans. Dans mon adolescence, j’adorais Barbara, Brel. Je ne voulais pas faire de bal, de gala comme on disait à l’époque mais accompagner des artistes. J’ai eu la chance que Barbara se sépare de son accordéoniste Joss Baselli. Elle m’a « cherché dans tout Paris » comme elle disait et j’ai travaillé avec elle. J’ai appris le piano à l’âge de 27 ans. Je ne me considère pas comme un pianiste mais comme un musicien passionné. J’ai trop de respect pour les concertistes qui sont devenus des grands artistes du piano.
QUE VOUS A APPORTÉ VOTRE COLLABORATION AVEC BARBARA ?
Barbara, c’était mon rêve. J’avais 20 ans quand je l’ai rencontrée et elle m’a tout appris, mon métier, ma façon de vivre, l’exigence, la générosité musicale. Elle m’a fabriqué, je suis devenu un habilleur de chanteur. Tous les gens qui voulaient travailler avec moi demandaient l’accordéoniste de Barbara. J’ai pu rencontrer et vivre toutes ces aventures musicales. Je peux vous dire que ça a été fantastique.
VOUS AVEZ ÉGALEMENT CO-SIGNÉ DES CHANSONS…

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Nous avons vécu huit ans ensemble intimement. J’ai signé et co-signé des chansons comme Cet enfant-là, Vienne… Ce sont des chansons qui nous racontent nous. Un jour, elle me dit : « Je pars, je vais à Vienne. » Je lui réponds : « Mais comment ça, où à Vienne ? » « Je ne sais pas, je pars. » En réalité, elle n’est jamais partie. À l’époque, j’habitais chez elle. Tous les soirs, elle me remettait une lettre qu’elle glissait sous ma porte avec des phrases comme : « Si je t’écris ce soir de Vienne, c’est pour ci, c’est pour ça… » et je les mettais en musique. Quand elle est soi-disant revenue de Vienne, la chanson était construite.
COMMENT ÉLABORAIT-ELLE SES CHANSONS ?
Elle mettait du temps pour écrire une chanson car elle composait ses musiques elle- même. Après j’intervenais pour donner une couleur, un arrangement à cette mélodie, à ce texte. On travaillait énormément, on y passait nos journées, nos nuits. Elle pouvait trouver un texte en deux minutes comme en deux mois. Elle voulait que les choses soient à la fois efficaces mais simples. Quand elle jouait du piano, c’était d’instinct. Ce n’était pas une grande technicienne. Mais je peux vous dire qu’aucun pianiste sur la place de Paris ne peut jouer comme elle jouait. Elle avait sa façon à elle. C’était une pianiste rare. Avec Barbara, on ne peut pas expliquer les choses. C’est un mystère. Et c’est merveilleux.
QU’EST-CE QUI VOUS TOUCHAIT ?
Barbara, c’est tout ce que j’aime. La sensibilité, l’émotion, sa voix, ce qu’elle raconte, c’est le personnage, tout ce qu’elle représente. Je n’ai pas envie qu’on l’oublie. Pour moi, elle est d’actualité. Dans ses chansons, elle racontait sa vie de femme. Tout le monde a vécu ça. Tout le monde a perdu un père, s’est séparé d’un amour. On se retrouve tous dans ses histoires, avec ses mots, très jolis mots mais compréhensibles. Elle disait : « Je ne suis pas une intellectuelle, ni poète, je dis simplement les choses telles que je les pense. »
DE 1966 À 1986, VOUS AVEZ TRAVAILLÉ ENSEMBLE AVANT DE VOUS SÉPARER…
Deux ans auparavant, elle me disait qu’il fallait qu’on se sépare : « Je ne veux pas que tu me voies vieillir, que tu me voies malade. » Nous avions seize ans d’écart. Quand je l’ai rencontrée, elle avait 36 ans, j’en avais 20. Elle voulait mourir à 42 ans. J’étais malheureux car je m’étais dit que je ne vivrais que six ans avec elle. Quand on est amoureux et passionné par ce que fait un artiste, on a envie de vivre le plus longtemps possible avec. Finalement, notre désaccord sur le spectacle Lili Passion était un prétexte à notre séparation.
VOUS FAITES REVIVRE BARBARA DANS UN SPECTACLE AVEC VOTRE ÉPOUSE REBECCA MAI…
Elle s’est montrée très convaincante dans ses chansons. Nous avons donné notre spectacle à Paris et j’espère le tourner en province. Je raconte mon histoire avec Barbara, mes vingt ans d’amour avec elle et notre séparation. Barbara, c’est un cadeau du ciel. Elle m’a tout appris. Donc je lui dois bien ça. J’ai vécu une aventure exceptionnelle et rare. Ce n’était que de l’amour.