Ludovico Einaudi est souvent présenté comme le père de la mouvance néo-classique. Compositeur au parcours étonnant, depuis les classes de Berio et Stockhausen jusqu’à la B.O. d’Intouchables, il a refusé l’avant-garde pour créer une musique sincère, touchante, un poil régressive, qui a trouvé un large public.

Comment qualifier votre musique ?

Les étiquettes, c’est toujours compliqué ! Quand j’ai commencé la musique dans les années 1970, la scène musicale contemporaine était composée de Boulez en France, Nono et Berio en Italie, Stockhausen en Allemagne. Leur révolution avait un sens, elle était nécessaire pour repenser la musique d’un point de vue moderne. J’ai grandi avec cette musique, mais également avec la pop, le folk, le rock. Mes références tonales ne sont pas celles du classique, mon travail est plus proche du monde harmonique des Beatles, des progressions d’accords du rock.

Crédit photo : Ray Tarantino

Votre style s’est créé en réaction à cette avant-garde musicale ?

Cette liberté était devenue une contrainte d’expérimenter, et tout rapprochement de la tonalité était un blasphème. Ma satisfaction était intellectuelle, pas émotionnelle. Puis j’ai cessé de considérer la musique avec idéologie pour respecter mes propres goûts. Le monde de la musique contemporaine m’a fermé ses portes, mais j’ai trouvé une connexion avec le public.

Peut-on trouver la patte Einaudi dans vos compositions de l’époque  ?

Écoutez Ai Margini dell’Aria, on trouve un aperçu d’un sentiment hypnotique qui fait que je me sens toujours connecté à cette pièce. Berio aimait ce morceau, et m’a dit : «  Tu ramènes les moutons à la bergerie.  » Mes moutons s’enfuyaient, mais revenaient toujours à certaines références tonales.

« Je ne veux pas être impliqué dans ce son répétitif conçu ces dernières années »

Y a-t-il un lien entre vous et la nouvelle génération  ? Les Pamart, Stréliski, Riopy ?

Je ne les connais pas du tout, mais je sais qu’il y a une grande scène de piano qui monte. Parfois, je vois ces playlists sur les plates-formes. Ah, ces playlists… elles sont terribles pour moi. Je ne veux pas être impliqué dans ce son répétitif conçu ces dernières années, presque chaque morceau est interchangeable. Je veux m’en éloigner, même si, parfois, je me sens partiellement responsable d’avoir créé cela !

Ressentez-vous un discrédit vous concernant venant du classique ?

Je ne m’en préoccupe pas beaucoup, mais oui, je ne comprends pas la colère du monde classique à l’égard de ma musique. Peut-être que cela vient du succès, peut-être que cela vient de ces playlists, mais si c’est le cas, cela à voir avec les maisons de disques, pas avec les artistes.