Andreas Staier/Lang Lang

Pour nourrir son interprétation, Lang Lang a bénéficié des conseils d’un maître di piano forte : Andreas Staier. Celui-ci nous raconte sa rencontre avec la star du clavier. 

Lang Lang a recueilli vos conseils avant de graver les Variations Goldberg de Bach. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Il m’a contacté il y a quelques années, avant que ne se déclarent ses problèmes de main gauche. Il connaissait mon enregistrement au clavecin et avait beaucoup de questions quant au choix de l’instrument. En effet, que signifie de transcrire au piano moderne une œuvre écrite pour clavecin à deux claviers et dont la structure se base sur cette symétrie ? Nous nous sommes bien entendus, et quand il a recommencé à jouer, il est venu me voir cinq ou six fois à Cologne.

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Comment avez-vous travaillé ?

Pour un tel cycle, il me paraît nécessaire d’adopter une vision globale. Nous avons parlé de la construction, mis en relation les trente variations par leurs différents tempi, techniques de composition et de contre-point. Nous avons discuté des thèmes, des caractères, des associations aux danses… C’est un peu comme s’approcher d’un tableau. Les détails surgissent du tout et on les replace ensuite dans l’ensemble. Autrement on se lasserait d’un enchaînement de pièces dans le même ton. Lang Lang avait beaucoup de questions : que faire des reprises ? Faut-il ornementer et si oui, comment ?

Des interrogations primordiales en musique ancienne…

Il n’est pas spécialiste, alors je lui ai montré du répertoire. En consultant les Sonates de Corelli, on retrouve les ornementations dans le style italien présentes dans le grand adagio de la 15e Variation. Il est aussi fascinant de contextualiser les Goldberg dans la production des dix dernières années de Bach. Les Quatorze canons leur sont reliés thématiquement et les Variations canoniques sur «Vom Himmel hoch » en sont une conséquence. Il termine alors le deuxième volume du Clavier bien tempéré et entame L’Art de la fugue

Quand est-on prêt pour enregistrer les Goldberg ?

Après y avoir mûrement réfléchi, j’espère. Si l’on exclut le Catalogue des oiseaux d’Olivier Messiaen, c’est peut-être la plus longue partition aux mains des claviéristes, une merveille, même en comparaison des autres œuvres de Bach. On l’aborde avec timidité.

Quel impact avez-vous eu sur Lang Lang ?

Ce n’est pas à moi de répondre. Je peux, par des questions, éveiller une conscience sur des aspects qui me sont importants, mais n’ai ni le droit ni l’intention d’imposer ma propre conception à quelqu’un d’autre. Lang Lang vient d’un monde musical très différent. Certains éléments ne peuvent être assimilés en quelques rencontres. Toutefois, j’ai été très touché de sa curiosité.

Propos recueillis par Mélissa Khong