NIVEAU SUPÉRIEUR / CD PLAGE 12
Ce Prélude a été composé par Rachmaninov alors que celui-ci n’avait que 19 ans. Ce morceau devint si célèbre qu’il finit par le détester. C’est une pièce très passionnée. Mais attention : le pianiste ne peut pas se contenter d’écouter. Il est l’acteur du jeu et, pour cela, il doit se dominer, garder sa maîtrise. Or, il est dangereux de jouer une œuvre passionnée car on se laisse facilement emporter par ses sentiments. On se met alors à taper comme un sourd, tout en croyant que l’on exprime quelque chose ! Que nenni !
Cette pièce est bâtie comme un triptyque. Commencez par la déchiffrer en entier pour la vision d’ensemble.
Première partie :
Le premier thème comporte ce que j’appelle des « plans sonores dans la durée ». Apprenez à jouer divers plans sonores, non seulement pour des sons joués en même temps (les uns au-dessus des autres), mais aussi joués les uns après les autres. Illustration :
1° Jouez les trois premières notes la, sol#, do# sur un premier plan sonore (ff). Pesez avec le poids de votre bras depuis l’épaule. Neuhaus indique que le son vient de la force (F) de la vitesse (V), de la hauteur (H) ou de la masse (M). Pour obtenir un beau son, utilisez la masse M (le poids) et un peu de hauteur (H). Gardez le bout de vos doigts tout près des touches grâce à la souplesse du poignet.
2 ° Jouez les accords suivants : do#, mi, ré#, sur un deuxième plan sonore (ppp). Gardez cette intensité en mémoire…
3° Retrouvez votre ligne des basses sur un plan à nouveau plus fort.
4° Entre ces basses, jouez vos accords : (basse) Ré bécarre-croche, (basse) Si#-croche sur le même plan sonore que les précédents (ppp).
Apprenez à entendre non seulement la mélodie, mais chaque note des accords.
Brigitte Engerer disait aussi : « Il est un autre travail que je trouve très important. Les accords, je les déroule comme un éventail de bas en haut. À ce moment-là, j’écoute, cela s’ouvre. À chaque fois que je fais faire ce travail aux élèves, ils entendent. Stanislas Neuhaus, nous disait toujours : “Mais regardez cette phrase, regardez ces accords, c’est truffé, comme des bijoux que l’on trouve dans la terre”. »
Deuxième partie :
L’essentiel est ici le mouvement chromatique : mi, ré#, ré bécarre, do# et les quatre plans sonores. La voix qui doit sonner le plus est le chant. Rachmaninov a écrit un trait sur chaque noire : prenez chacune en redescendant votre poids de main. Corollairement, laissez-la remonter sur ce qui précède. N’ôtez jamais votre doigt de la touche car ce chant doit être toujours lié. Seule une petite ondulation du poignet, avec sa jointure souple, permet d’obtenir cela. Voilà le bon geste, la bonne sensation…